Le 10 Mai
1940 dans l'après-midi,
attaque des Bombardiers Allemands sur le Camp et la Ville de Suippes (
Marne )
-"En attendant, les missions continuent, une
patrouille vient de rentrer après avoir accompagné une reconnaissance
sur POTEZ 63 - R.A.S.
Pour l'instant, aucune nouvelle de Goupy.
A 15 heures 25, une patrouille double est mise en
l'air sur alerte du Q.G. d'armée. Retour à 14 heures 15.
Toujours rien à signaler et toujours rien
de Goupy.
A 14 heures 50, nouvelle alerte, nouveau décollage,
à ce moment, un coup de téléphone apprend au P.C.
que Goupy s'est posé à Wez-Thuisy et a été
embarqué sur l'hôpital de Reims. Rien de grave, croit-on,
mais cela fait déjà un pilote et deux appareils hors de
combat, sur vingt-neuf que compte le groupe, car l'appareil de
Morel est bon pour
la ferraille : vingt deux balles dans le taxi, une vraie passoire.
Morel a eu une sacrée
chance, quant à l'appareil de Rey,
on le réparera au groupe.
A 15 heures 50, retour de la patrouille R.A.S...
R.A.S... R.A.S... Est-ce le baroud oui ou non ?... Et chaque escadrille
installée sur son bord de piste, interroge le ciel ...
I7 heures au téléphone "... une grosse formation de
bombardiers vient de passer sur nous, signale le P.C. des forces aériennes
des armées - Cap SW".
"Bien, réfléchit le commandant, dans ce cas, ils vont
passer au-dessus de mon guet de secours "
Une minute et demie ... Téléphone
... " Allô ! ici le guet de la Main de Massiges - trois pelotons
de bombardiers font route vers Suippes".
Suffit. Alerte aux escadrilles ... PSSCHCH ... vite !
Une fusée vient de partir sur la piste. Enfin ! Casques et écouteurs
aux oreilles, parachutes bouclés, les pilotes d'alerte renforcée
sont en place dans leur appareil. Les moteurs tournent. Un geste du bras
: la première patrouille Accart
en tête a décollé.
Bang ! ... Plus vite, tonnerre ! Ils bombardent
Suippes. A son tour, la deuxième patrouille décolle. Bang
! Bang ! ... Ça se rapproche à toute allure, il n'y a pas
trois minutes que l'alerte a été lancée, et la dernière
patrouille commence à démarrer. Mais .. Qu'est-ce qu'il
se passe ?
L'avion de P. reste au sol, on voit son mécanicien s'affairer.
Là haut, les deux pelotons de Dornier se partagent la besogne.
Pendant que l'un d'eux arrose Suippes, l'autre arrive vers le terrain.
Enfin, voilà le dernier Curtiss qui démarre -court- et s'envole.
Bang... Bang ... Il était plus que temps.
... deux gerbes viennent de fuser en bordure de piste ; le mécanicien
s'est jeté à plat ventre au sol dans un geste instinctif,
en attendant que ça passe. Maintenant, les explosions fusent de
toutes parts et se succèdent en chapelets de feu. Les pilotes qui
ne sont pas d'alerte et les mécaniciens ont couru aux abris d'où
ils suivent le combat .
"Cette fois, c'est bien le baroud, et quel baroud "...
En fond de toile, une nappe de feu et de fumée embrase l'horizon
au-dessus du village, traversée par des jets de flammes, des explosions.
Devant eux, les bombes sifflent avant de percuter au sol sur le terrain
dans un tonnerre assourdissant qui fait trembler le sol. Et voici que
des torches gigantesques se mettent à tomber du ciel environnées
de fleurs blanches qui se déploient en drapeau avant de s'ouvrir.
Les parachutes. Amis ou Ennemis ? En tout cas, les nôtres sont au
contact.
Les Allemands qui croyaient
surprendre le groupe au sol, ont vu avec stupéfaction fondre sur
eux les neuf Curtiss, alors qu'ils commençaient leur travail de
destruction ; seulement, le temps de monter à trois mille, les
Dornier ont déjà réussi a larguer une grande partie
de leurs bombes sur Suippes et le terrain, et quel carnage ...
Ils sont trois pelotons de sept Dornier 17, soit vingt et un appareils
qui, méthodiquement, ont ratissé le village où se
tenait l'état-major d'une division cuirassée. Rue après
rue, ils ont lâché leurs bombes en enfilade mortelle ; sous
leurs coups les maisons sautent les unes après les autres. L'église,
la popote du groupe ... Le P.C. de la division est encadré avec
une précision diabolique. L'Etat-major a eu du flair en démarrant
la veille.
Maintenant les bombardiers décrivent de grands cercles au-dessus
du terrain. Manifestement, ils le cherchent, comme leurs camarades de
ce matin et ne sont pas très sûrs d'être au-dessus.
Un, deux, puis trois chapelets de bombes s'abattent de ci, de là,
autour du terrain camouflé.
Mais la plaisanterie a assez duré. La chasse française arrive
à temps, et les Dornier n'auront plus le loisir de trouver ce qu'ils
sont venus chercher. Les Curtiss, menés de main de main de maître
par Accart, foncent maintenant sur le peloton
de bombardiers qui sont bientôt disloqués, en dépit
de six Messerschmitt arrivés à la rescousse. Neuf contre
vingt sept : il ne faut plus s'en étonner, désormais ce
sera la mesure normale.
L'accrochage a eu lieu au-dessus du terrain.
Le premier Dornier est abattu par les canons de 25 de la Compagnie de
l'Air ; deux autres s'abattent sous les yeux des pilotes qui, dans leurs
abris, marquent les points.
La mêlée est générale. Dornier, Curtiss, Messerschmitt
s'enchevêtrent dans une sarabande infernale au rythme des rafales
de mitrailleuses. Le ciel n'est plus qu'un vaste incendie rouge du brasier
de Suippes où les éclatements de la D.C.A., du terrain piquent
leurs grappes de nuages blancs. Chaque avion qui tombe allume une nouvelle
torche d' où s'échappent des boules noires qui se déploient
en parachutes. Mais voici qu'un Curtiss est a son tour descendu en flammes,
au-dessus, un parachute s'ouvre, c'est Preux
qui vient de sauter.
Les Allemands maintenant
ont fait demi-tour, poursuivis par les nôtres qui foncent derrière.
Les Dornier I7 font à peu près vitesse égale au sol
avec les Curtiss, mais la marche en formation serrée ralentit passablement
leur allure. Car, avec un courage et une discipline de vol qui force l'admiration,
les Allemands attendent leurs camarades blessés.
Successivement, trois des leurs vont s'écraser au sol, un abattu
près du terrain par le sous-lieutenant de réserve Warnier,
deux autres à Souain et à Mourmelon. Cela fait six au tableau,
mais le compte n'y est pas encore.
Malgré la chasse ennemie qui essaie de s'interposer, la poursuite
continue, menée par le tandem de bagarreurs Accart
et P (+..) un bombardier tombe encore dans la vallée de
l'Aisne et le huitième Dornier était abattu près
de Dun-sur-Meuse, après plus de quarante kilomètres de poursuite,
marquant la quatrième victoire de Accart
depuis le matin.
Au total, huit appareils avaient vengé le bombardement du village
et les nombreux morts...
Deux cent soixante dix bombes de cent kilos seront dénombrées
le lendemain.
Si la chasse n'a pu empêcher le bombardement de Suippes, par contre,
elle a complètement fait rater celui de la base.
Grâce aux Merlons, les appareils sont intacts et les dégâts
sur le terrain insignifiants.
Ce fut d'ailleurs une chance inouïe qui permit au groupe d'être
alerté aussi vite. Quelques minutes de plus, les avions au sol
auraient été surpris avant de pouvoir décoller, et
les Merlons n'auraient pas tardés à être repérés.
Au premier soir de la bataille, le I/ 5 vient de récolter le fruit
de ses huit mois de travail : guet et camouflage ont simplement sauvé
la vie du terrain et des appareils.
Quant au bilan des combats de cette première journée, il
est éloquent.
Trois appareils hors de
combat et trois pilotes blessés :
Rey qui n'a que des égratignures -
Preux soigné
à l'escadrille et Goupy pour qui la
guerre est terminée.
*A l'actif : huit victoires.
P (+..): Perina
Le groupe a enregistré
plus de soixante sorties dans cette journée du
10 Mai I940.
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Goupy
Morel
Rey
Accart
Warnier
E. Preux |