DEUXIEME GUERRE MONDIALE

Opérations mai 1940

Récit de Henri PETTIER

EXTRAITS du Déroulement des Opérations de la 5ème ESCADRE de CHASSE
Appareils CURTISS H 75, stationnés à SUIPPES
"LE 10 MAI 1940" au GC 1 / 5

Le 10 Mai 1940 dans l'après-midi,
attaque des Bombardiers Allemands sur le Camp et la Ville de Suippes ( Marne )


-"En attendant, les missions continuent, une patrouille vient de rentrer après avoir accompagné une reconnaissance sur POTEZ 63 - R.A.S.
Pour l'instant, aucune nouvelle de Goupy.
A 15 heures 25, une patrouille double est mise en l'air sur alerte du Q.G. d'armée. Retour à 14 heures 15. Toujours rien à signaler et toujours rien de Goupy.
A 14 heures 50, nouvelle alerte, nouveau décollage, à ce moment, un coup de téléphone apprend au P.C. que Goupy s'est posé à Wez-Thuisy et a été embarqué sur l'hôpital de Reims. Rien de grave, croit-on, mais cela fait déjà un pilote et deux appareils hors de combat, sur vingt-neuf que compte le groupe, car l'appareil de Morel est bon pour la ferraille : vingt deux balles dans le taxi, une vraie passoire. Morel a eu une sacrée chance, quant à l'appareil de Rey, on le réparera au groupe.
A 15 heures 50, retour de la patrouille R.A.S... R.A.S... R.A.S... Est-ce le baroud oui ou non ?... Et chaque escadrille installée sur son bord de piste, interroge le ciel ...
I7 heures au téléphone "... une grosse formation de bombardiers vient de passer sur nous, signale le P.C. des forces aériennes des armées - Cap SW".
"Bien, réfléchit le commandant, dans ce cas, ils vont passer au-dessus de mon guet de secours "

Une minute et demie ... Téléphone ... " Allô ! ici le guet de la Main de Massiges - trois pelotons de bombardiers font route vers Suippes".
Suffit. Alerte aux escadrilles ... PSSCHCH ... vite !
Une fusée vient de partir sur la piste. Enfin ! Casques et écouteurs aux oreilles, parachutes bouclés, les pilotes d'alerte renforcée sont en place dans leur appareil. Les moteurs tournent. Un geste du bras : la première patrouille
Accart en tête a décollé.
Bang ! ... Plus vite, tonnerre ! Ils bombardent Suippes. A son tour, la deuxième patrouille décolle. Bang ! Bang ! ... Ça se rapproche à toute allure, il n'y a pas trois minutes que l'alerte a été lancée, et la dernière patrouille commence à démarrer. Mais .. Qu'est-ce qu'il se passe ?
L'avion de P. reste au sol, on voit son mécanicien s'affairer. Là haut, les deux pelotons de Dornier se partagent la besogne. Pendant que l'un d'eux arrose Suippes, l'autre arrive vers le terrain.
Enfin, voilà le dernier Curtiss qui démarre -court- et s'envole. Bang... Bang ... Il était plus que temps.
... deux gerbes viennent de fuser en bordure de piste ; le mécanicien s'est jeté à plat ventre au sol dans un geste instinctif, en attendant que ça passe. Maintenant, les explosions fusent de toutes parts et se succèdent en chapelets de feu. Les pilotes qui ne sont pas d'alerte et les mécaniciens ont couru aux abris d'où ils suivent le combat .
"Cette fois, c'est bien le baroud, et quel baroud "...
En fond de toile, une nappe de feu et de fumée embrase l'horizon au-dessus du village, traversée par des jets de flammes, des explosions. Devant eux, les bombes sifflent avant de percuter au sol sur le terrain dans un tonnerre assourdissant qui fait trembler le sol. Et voici que des torches gigantesques se mettent à tomber du ciel environnées de fleurs blanches qui se déploient en drapeau avant de s'ouvrir. Les parachutes. Amis ou Ennemis ? En tout cas, les nôtres sont au contact.

Les Allemands qui croyaient surprendre le groupe au sol, ont vu avec stupéfaction fondre sur eux les neuf Curtiss, alors qu'ils commençaient leur travail de destruction ; seulement, le temps de monter à trois mille, les Dornier ont déjà réussi a larguer une grande partie de leurs bombes sur Suippes et le terrain, et quel carnage ...
Ils sont trois pelotons de sept Dornier 17, soit vingt et un appareils qui, méthodiquement, ont ratissé le village où se tenait l'état-major d'une division cuirassée. Rue après rue, ils ont lâché leurs bombes en enfilade mortelle ; sous leurs coups les maisons sautent les unes après les autres. L'église, la popote du groupe ... Le P.C. de la division est encadré avec une précision diabolique. L'Etat-major a eu du flair en démarrant la veille.
Maintenant les bombardiers décrivent de grands cercles au-dessus du terrain. Manifestement, ils le cherchent, comme leurs camarades de ce matin et ne sont pas très sûrs d'être au-dessus. Un, deux, puis trois chapelets de bombes s'abattent de ci, de là, autour du terrain camouflé.
Mais la plaisanterie a assez duré. La chasse française arrive à temps, et les Dornier n'auront plus le loisir de trouver ce qu'ils sont venus chercher. Les Curtiss, menés de main de main de maître par Accart, foncent maintenant sur le peloton de bombardiers qui sont bientôt disloqués, en dépit de six Messerschmitt arrivés à la rescousse. Neuf contre vingt sept : il ne faut plus s'en étonner, désormais ce sera la mesure normale.
L'accrochage a eu lieu au-dessus du terrain.
Le premier Dornier est abattu par les canons de 25 de la Compagnie de l'Air ; deux autres s'abattent sous les yeux des pilotes qui, dans leurs abris, marquent les points.
La mêlée est générale. Dornier, Curtiss, Messerschmitt s'enchevêtrent dans une sarabande infernale au rythme des rafales de mitrailleuses. Le ciel n'est plus qu'un vaste incendie rouge du brasier de Suippes où les éclatements de la D.C.A., du terrain piquent leurs grappes de nuages blancs. Chaque avion qui tombe allume une nouvelle torche d' où s'échappent des boules noires qui se déploient en parachutes. Mais voici qu'un Curtiss est a son tour descendu en flammes, au-dessus, un parachute s'ouvre, c'est Preux qui vient de sauter.

Les Allemands maintenant ont fait demi-tour, poursuivis par les nôtres qui foncent derrière.
Les Dornier I7 font à peu près vitesse égale au sol avec les Curtiss, mais la marche en formation serrée ralentit passablement leur allure. Car, avec un courage et une discipline de vol qui force l'admiration, les Allemands attendent leurs camarades blessés.
Successivement, trois des leurs vont s'écraser au sol, un abattu près du terrain par le sous-lieutenant de réserve Warnier, deux autres à Souain et à Mourmelon. Cela fait six au tableau, mais le compte n'y est pas encore.
Malgré la chasse ennemie qui essaie de s'interposer, la poursuite continue, menée par le tandem de bagarreurs Accart et P (+..) un bombardier tombe encore dans la vallée de l'Aisne et le huitième Dornier était abattu près de Dun-sur-Meuse, après plus de quarante kilomètres de poursuite, marquant la quatrième victoire de Accart depuis le matin.
Au total, huit appareils avaient vengé le bombardement du village et les nombreux morts...
Deux cent soixante dix bombes de cent kilos seront dénombrées le lendemain.
Si la chasse n'a pu empêcher le bombardement de Suippes, par contre, elle a complètement fait rater celui de la base.
Grâce aux Merlons, les appareils sont intacts et les dégâts sur le terrain insignifiants.
Ce fut d'ailleurs une chance inouïe qui permit au groupe d'être alerté aussi vite. Quelques minutes de plus, les avions au sol auraient été surpris avant de pouvoir décoller, et les Merlons n'auraient pas tardés à être repérés. Au premier soir de la bataille, le I/ 5 vient de récolter le fruit de ses huit mois de travail : guet et camouflage ont simplement sauvé la vie du terrain et des appareils.
Quant au bilan des combats de cette première journée, il est éloquent.

Trois appareils hors de combat et trois pilotes blessés : Rey qui n'a que des égratignures - Preux soigné à l'escadrille et Goupy pour qui la guerre est terminée.

*A l'actif : huit victoires.

P (+..): Perina

Le groupe a enregistré plus de soixante sorties dans cette journée du 10 Mai I940.

 

 

Goupy
Goupy

 

 

 

Morel
Morel

 

 

 

Rey

Rey

 

 

 

Accart
Accart

 

 

 

 

 

Warnier
Warnier

 

 

 

 

E. Preux
E. Preux