Petit résumé
des faits d'après les recherches de Fernand Destaing.
Le 3 juillet 1940, vers
7 h 00 du matin, une escadre anglaise se présente devant Mers El-Kébir
et remet à l'amiral GENSOUL, commandant les forces navales françaises,
un ultimatum lui enjoignant de se soumettre.
Après une série de pourparlers et devant le refus français,
l'escadre anglaise ouvre le feu à 16 h 56 sur les navires français
coincés dans la rade. C'est un massacre, 1300 marins français
sont tués.
Mers El-Kebir n'est qu'un volet d'un plan anglais appelé «
Catapult » qui se déroule le même jour dans les ports
britanniques à Alexandrie et plus tard à Dakar.
Pour comprendre comment on a pu en arriver là, il faut revenir
sur l'ambiguïté de l'alliance franco-anglaise mais aussi sur
les personnalités des protagonistes, le Président du Conseil
français Paul Raynaud, le Premier Ministre britannique Churchill,
et enfin sur la situation désespérée dans laquelle
se trouvait l'Angleterre fin juin 1940.
LE TERRIBLE MOIS DE JUIN
1940
Pour comprendre le drame de Mers el-Kébir, il faut savoir que les
Anglais ont peur que les Allemands s emparent de la flotte française.
Pour rassurer les Anglais, Darlan adresse à tous les commandants
des navires de guerre français un ordre où il précise
:
a) Aucun bâtiment français ne doit tomber aux mains des Allemands
ou des Italiens si ceux-ci venaient à entrer en guerre ;
b) Il devra rallier les ports d'Angleterre ou des Antilles ;
c) Ou sinon se saborder comme dans les ports de guerre de la façade
atlantique le 18 juin 1940.
Contre toute attente, après la signature de l armistice,
Hitler voulant sans doute amadouer la France, ne réclame pas sa
flotte et demande qu'elle soit seulement immobilisée et "
démilitarisée " dans ses ports. Les Français
sont soulagés. Les Anglais, par contre, continuent à douter.
Ils sont persuadés que ce diable d'Hitler réussira à
s'emparer un jour, par surprise, de nos navires de guerre. En vérité,
les Anglais sont aux abois. Pour la première fois depuis des siècles,
ils craignent un débarquement allemand chez eux !
Et Churchill lui-même, le roc, est pris de panique. C'est ainsi
qu'avec son ami Pound, chef de l'Amirauté britannique, il organise
" l'opération Catapult ". Ordre est donné de se
saisir de la flotte française ou de la neutraliser dans tous les
ports de guerre et en particulier à Mers El-Kébir. L'escadre
française qui s'y trouve est de 120 000 tonnes environ, sur les
620 000 de la flotte, soit le cinquième de nos forces navales :
elle a fière allure avec ses deux cuirassés tout neufs,
de 26 500 tonnes, le " Dunkerque " à l'extrémité
ouest du port, battant pavillon de l'amiral Gensoul et le " Strasbourg
", son frère jumeau. Il y a aussi deux cuirassés de
22 000 tonnes, plus anciens, le " Provence ", intercalé
entre les deux cuirassés, et le " Bretagne ". Au bout
du môle se trouve le " Commandant Teste " qui n'est pas
un porte-avions mais un modeste transporteur d'hydravions. En face, six
contre-torpilleurs de 2 000 à 3 000 tonnes, le " Kersaint
", le " Terrible ", le " Tigre ", le " Lynx
", le " Volta " et le " Mogador ". Et encore
disséminés dans la rade, quelques avisos, remorqueurs et
autres chalutiers.
LES FORCES EN PRÉSENCE LE 3 JUILLET:
La flotte britannique qui va engager la bataille est constituée
par la Force H qui vient de quitter Gibraltar. Elle comprend deux cuirassés
de 35 000 tonnes et le " Hood " 42 100 tonnes battant pavillon
de l'amiral Somerville, trois croiseurs, le porte-avions " Ark Royal
", le plus moderne de la Home Fleet et dix à douze torpilleurs
et contre-torpilleurs. Mais c'est le chef de l'Amirauté britannique,
le Lord de la Mer comme on l'appelle, l'amiral Pound, qui dirige personnellement
de Londres " l'Opération Catapult ".
Les Anglais vont exercer leur pression toute la matinée du 3 juillet,
tout en préparant l'assaut. Les pourparlers entre les deux camps
n'aboutissent à aucun accord.
Talonné par l'Amirauté britannique, Somerville fixe l'expiration
de l'ultimatum à 12 h 30. Bientôt des hydravions anglais
viennent mouiller cinq mines magnétiques devant la passe de Mers
el-Kébir, transformant le port de guerre en une souricière.
C'est une provocation, bien sûr, mais les Français doivent
laisser faire pour éviter le pire.
A 16 heures 56, pourtant, c'est l'attaque. Elle est fulgurante. D'énormes
geysers entourent bientôt les bâtiments français qui
tentent d'appareiller. Les Anglais corrigent aussitôt leurs tirs.
A raison de trois salves par minute environ, ils vont faire pleuvoir sur
la rade 63 tonnes d'explosifs, dont leurs terribles obus de 380 qui arrivent
avec une précision diabolique.
Toute cette bataille inégale s'est passée très vite,
en moins d'un quart d'heure.
A la treizième minute, l'amiral français Gensoul décide
d'arrêter le jeu de massacre et fait hisser sur le navire amiral
un pavillon carré de couleur beige. On a voulu éviter le
pavillon blanc, trop péjoratif. Mais les Anglais tirent toujours.
Seraient-ils devenus intraitables ? Mais non. Ils ont dû seulement
déployer un important rideau de fumée pour échapper
aux tirs du Provence et ne peuvent apercevoir le signal. Gensoul lance
alors un appel radio, aussitôt entendu. Le cessez-le-feu est proclamé
à 17 heures 09, G.M.T.
En quelques secondes, "Le Bretagne" chavire, entraînant
dans la mort tout l'équipage, un millier d'hommes prisonniers "
dans leur cercueil d'acier ".
Rien n'est fini, hélas ! L'opération Catapult va se poursuivre
plusieurs jours encore, inexorablement.Le lendemain, une terrible déflagration
va ouvrir une brèche dans le flanc du " Dunkerque ".
Il sera immobilisé pour de longs mois. Le drame, c'est que toutes
ces explosions font encore 205 victimes.
C'est affreux. Car les marins anglais ont tué en une semaine plus
de marins français que la Flotte allemande pendant toute la Seconde
Guerre mondiale. Plus de 1 300 morts ! Nous ne sommes pas loin des 2 403
morts du drame de Pearl Harbor, l'un des grands événements
de cette guerre puisqu'il décida de l'entrée en guerre des
États-Unis d'Amérique. Mais les Japonais étaient
leurs ennemis, les Anglais étaient nos alliés. Avec le recul,
le drame paraît encore plus inconvenant et pour tout dire, criminel.
Plus tard, dans ses Mémoires, Churchill n'a pas caché son
embarras. Il a comparé Mers el-Kébir à une tragédie
grecque ". Ce fut une décision odieuse, la plus inhumaine
de toutes ce11es que j'ai eues à partager ".
Sources :
1. J.J. Antier. Le
drame de Mers el-Kébir. Presses de la Cité, 1990.
2. A. Vulliez. Mers el-Kébir. France-Empire.
3. Tous les récits utilisent l'heure G.M.T. et non l'heure française
d'été.
4. J. Raphaël-Leygues, F. Flohic. Darlan. Plon, 1986.
5. P. Varillon. Mers el-Kébir. Amiot Dumont, 1949.
6. C. Paillat. Dossiers secrets de la France contemporaine. R. Laffont
1987.
7. B. Ljungren. Le Lord de la Mer endormi qui était l'ami de Churchill.
Surgical Neurology, Elsev |
La rade de Mers-El-Kebir avant
l'attaque
Archives Warnier
Autre vue de la rade de Mers-El-Kebir
avant l'attaque
"Le Bretagne"( plus
de mille victimes)
"Le Dunquerque"(
205 victimes)
Un exemple de cuirassé
britannique de 1940
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