DEUXIEME GUERRE MONDIALE  

Mission de nuit: 1° février 1944

à Oran-La-Sénia


Lucien Inguimberti et Dominique Penzini, derrière.

Feux d'artifice des traçantes

Extraits de "Titi Story", écrit par Lucien Inguimberti.
Mission de nuit . Participation à l'opération «Tentacle » du 1° février 1944 à Oran-La-Sénia.

Le lendemain de la mission de nuit. Anecdote présentée version bande dessinée .
Création image H. Penzini d'après un croquis de Jean Barbaud dans " Gueules de Zincs "

Opération " Tentacle" 1 février 1944

 RECIT:        Titi raconte ...
Douze avions étaient prévus pour cette mission, J'étais dans le coup... Une patrouille de 2 avions, chargée de la liaison radio vec la station radar, évoluerait vers 6000 pieds au-dessus du dispositif. Le dispositif, 10 avions par patrouille de 2, volerait à une centaine de pieds au-dessus de l'eau, en ligne de front.
Pourquoi cette formation ? Pour couvrir le maximum de terrain d'une part et faire face immédiatement à l'ennemi et surtout pour ne pas être détecté par leurs radars installés à bord des avions gros porteurs, évoluant en altitude.
La patrouille haute, servait de relais radio, les communications à basse altitude étaient très mauvaises. Le décollage était prévu à la tombée de la nuit, de manière à effectuer le rassemblement à la lumière du jour. Le décollage et la mise en place se firent sans problème, mais dès la prise de cap vers l'est, alors que nous étions à une dizaine de kilomètres en mer, la patrouille haute eut des ennuis et rentra au terrain. Aussitôt, une patrouille monta et la remplaça. Nous évoluions au ras des flots par de lents virages. Pourquoi cette nuit-là, la mécanique qui nous avait toujours été fidèle, se manifesta-t-elle ? Un à un les avions rentrèrent au terrain pour des ennuis divers.
Finalement nous restâmes une patrouille de 3 avions, chacun de nous, étant par ailleurs, des rescapés de la patrouille initiale. L'adjudant Penzini (dit Pinceau) qui avait perdu son équipier, récupéra le lieutenant Giraud qui avait perdu son CP, ainsi que moi-même.
La nuit était très noire. Nous étions en patrouille serrée. Le lieutenant Giraud à droite, moi à gauche. Tous feux éteints, nous réglions notre position sur notre CP, grâce aux lueurs d'échappements du moteur.
Dans la radio, malgré les ordres reçus, régnait un indescriptible brouhaha... ? Toutes les patrouilles étant sur le même channel. A l'époque, nous ne disposions que d'un poste radio à 4 channels (fréquences). Le silence radio ordonné par les OPS était un vain mot. Dès l'instant où, ayant perdu mon CP, je rejoignis Penzini , je n'eus plus aucun souci de navigation. Je serrais ma patrouille en jetant de temps à autre un regard à mes instruments de bord.
Nous évoluions ainsi dans le noir le plus complet. A un moment, j'eus l'impression que nous montions. En effet, l'avion de Penzini devint plus diffus, nous avions pénétré une couche de stratus et notre leader passait au-dessus. La couche n'était pas épaisse, nous nous retrouvâmes rapidement au-dessus. Le temps de jeter un coup d'oeil aux instruments et à l'extérieur voilà que Penzini effectuait sur moi un virage si serré que je dégageais, ayant été surpris par sa manoeuvre brutale. Je redressais aux instruments. Dès que mon avion fut rétabli, je regardais à l'extérieur : un spectacle grandiose m'enveloppait, du rouge, du bleu, du jaune, toutes les couleurs de l'arc-en-ciel y étaient.
Je compris aussitôt. C'était des traçantes qui montaient vers le ciel. Je virais sec pour m'éloigner de cette zone dangereuse, et compris aussitôt pourquoi Penzini avait viré aussi brutalement. Penzini qui leadait la patrouille regardait évidemment l'horizon et vit les traçantes bien avant nous, équipiers, qui étions concentrés sur la tenue de notre patrouille, la radio était si brouillée qu'aucun ordre n'avait pu être donné.
Après avoir tourné un certain temps dans le coin à regarder ce spectacle nouveau pour moi, je décidais de rentrer au terrain. Dans la radio, je pus entendre que des pilotes du 3/6, basés à Lapasset, avaient intercepté des bimoteurs...
La plus grande confusion semblait régner un peu partout. Je vérifiais instinctivement l'armement de mes mitrailleuses, une mauvaise rencontre était toujours possible. Je pris le cap plein ouest. Un peu avant Oran, le stratus s'était dissipé. Je me recalais sur la côte et rentrais me poser.

J'étais le dernier des douze avions. Aux OPS, je retrouvais la plupart des pilotes qui avaient participé à la mission. Penzini m'expliqua alors les événements.
Nous étions en rase flots lorsque nous rentrâmes dans une couche de stratus. Penzini, par sécurité, passa au-dessus de la couche. Le spectacle commença alors. Nous arrivions à la verticale du convoi, nous n'avions pu nous faire reconnaître, étant au-dessus de la couche. Détectés par les radars des navires d'escorte, la DCA tira. Nous avions bien l'IFF, mais par un concours de circonstances, le convoi était attaqué à ce moment là par des bombes volantes lancées par des Junker 88 et des Heinkel 111.,
Tout le monde tirait donc. Nous étions arrivés au bon moment. Hélas de nuit, seuls les avions spécialisés, les chasseurs de nuit avec radar pouvaient avoir une chance d'interception. Le lendemain, nous eûmes plus de détails. Les Allemands, connaissant l'importance du convoi avait monté une grande opération aux départs des terrains d'Istres et de Perpignan. Les Mosquitos et les Beaufighters purent intercepter une partie des avions.
Des combats eurent lieu au sud des Baléares. Si on ne connaît pas les résultats de ces combats côté allemand, chez nous, 2 avions avaient atterri sur le ventre, un Beaufighter et un Mosquito. Nous les vîmes le lendemain.
Plusieurs avions allemands purent passer et attaquer le convoi aux moyens de bombes téléguidées à bonne distance. Un transport de troupe, où il y avait des troupes françaises, fut gravement touché. Un avion allemand fut descendu, Farriol, pilote au 3/6, revendiqua la victoire. On retrouva 48 heures après un dinghy avec 4 personnes. C'était l'équipage d'un Ju.88 qui confirma avoir été tiré par un chasseur. Ce brave Marcel avait raison. Aucun de nous d'ailleurs ne le contestait. Mais le commandement ne voulut jamais lui homologuer cette victoire. Le convoi avec un peu de casse était passé, mais la formule appelée "Tentacle" n'avait pas été payante.
Nous, les chasseurs de jour, nous ne pouvions pas opérer de nuit avec succès. L'insuffisance des moyens radio fut aussi, évidente. Si pour nous, tout se passa bien, nos camarades du 3/6 furent bien éprouvés durant cette nuit et, s'ils purent dans le noir accrocher les Allemands, le bilan ne fut pas brillant. Des avions endommagés à l'atterrissage, un pilote blessé, un autre touché par la DCA sauta en parachute et rentra sain et sauf le lendemain. Cette nuit du 1er février fut fertile en émotion. Le commandement tira des enseignements de ce genre de mission. Si du point de vue psychologique il put avoir des effets, le résultat en soit n'était pas spectaculaire. Nous ne fîmes plus ce genre de mission avec le même déploiement de force. Nous ratissions parfois avec 4 avions les avants des convois, mais toujours de jour. La nuit fut réservée aux chasseurs spécialistes.

CP : chef de patrouille.
OPS : opérations.
IFF : identification friend and fo
e
.

Mission de nuit en patrouille double sur P 39

Penzini et Inguimberti dans le ciel,

de nuit en P39.Création H.Penzini

 

GC 1/5 : deux  "P 39" à Oran-La- sénia en 1944

Deux P39 en vol. Archives Inguimberti

 

 

 

 

" P 39 " du GC 1/5

Image H.Penzini d'après Barbaud

 

 

Mission de nuit : opération " Tentacle" du 1 février 1944
Mission de nuit sur la Méditerranée. Image Lesueur

 

 

 

 

 

 

Mission de nuit :

opération"Tentacle" du 1er février 1944 : les avions de Penzini et Inguimberti sont pris dans les feux croisés des traçantes et fusées éclairantes venues d'en bas ...

 

 

        Création Lesueur  

  

 

Mission de nuit : opération "Tentacle" du 1 février 1944