La
"drôle de guerre" : le 29 mars 1940 à Suippes.
« Pour Goupy
et pour moi, ce sera la 1ère escadrille, celle du capitaine Accart,
avec comme second Marin La Meslée. Pour Scotte, la 2e escadrille,
celle du capitaine Moingeon, qui sera très bientôt remplacé
par Dorance.
Dès que le temps le permet, quelques vols d'entraînement,
puis vite les premières missions à deux ou trois,, couverture
de secteur... et aussi les conseils écoutés comme à
l'église, les mêmes travaux, les longues attentes, l'alerte,
l'aube, le retour à la nuit, la chambre très rustique où
il n'y a pas de feu, la popote, le train-train, la drôle de guerre...
Et, au milieu de ce temps où rien ne semble
se passer, ce 29 mars où, avec Penzini
à 7 500 mètres, ce jour où
tout est blanc, le sol sous la neige, les cirrus au-dessus de nous, à
quelques kilomètres devant nous, plus haut, rentrant chez lui,
un Dornier 17. Le premier ennemi que je vois et qui va devenir l'occasion
de mon premier combat, car nous le rattrapons, lentement certes, mais
nous le rattrapons vers 8 000 mètres. Alors que nous sommes à
400 mètres de lui, il nous voit et grimpe aussitôt vers les
cirrus tout proches. Penzini donne l'ordre
d'attaque, me fait placer à sa droite, je vire à droite
par en dessous, j'aperçois Penzini qui
tire, puis amorce une abattée (il a du se faire souffler), vire,
virage à gauche et voilà! Trop jeune mon garçon!
J'ai, à cette altitude, viré trop sec et j'amorce une vrille.
Le temps de l'arrêter, de reprendre un peu de vitesse, de remonter
et le Dornier a disparu dans les cirrus, Perdu, perdu à jamais!
J'en pleure de rage et de confusion."
... le 12 juin 1940 (repli) à Saint
Parres-les-Vaudes
"Et puis, pour moi, le dernier combat
de cette campagne. En nous repliant sur Saint-Parres-les-Vaudes, nous
rencontrons un Henschel 126, avion de reconnaissance léger, et
nous comprenons par sa présence que l'ennemi est sous nous. En
tous les cas, il faut l'abattre à la première attaque, sinon
cela devient un cirque. Mais il nous a vus et le cirque commence. C'est
une extraordinaire démonstration de vol rasant, il colle au sol,
s'enroule autour des arbres, à croire même qu'il se cache
derrière les haies! C'est un vrai champion et nous l'admirons.
A trois, il nous faudra près de dix minutes pour en venir à
bout et nous ne l'aurons que par attaques simultanées et convergentes,
si bien réglées que l'un d'entre nous touchera l'avion de
Penzini, notre chef de patrouille. Le vrai
repli a commencé le lendemain, Avallon (il n'y a pas d'essence
et nous pouvons enfin dormir), les longues files de réfugiés,
les troupes en retraite, certaines en débandade, un convoi qui
paraît hors du temps à vouloir remonter à contre-courant
ce déferlement de panique. Cette fois-ci, à Avallon, nous
sentons, nous voyons la défaite."
CE MEME "REPLI"
DU GC 1/5 RACONTE PAR HENRI MAZIER
Article de Henri Mazier
(mécanicien/chef du GC 1/5),
revue ICARE N° 145 pages 72, 73
Bien que complètement
autonome (mis à part le ravitaillement en essence) le groupe de
chasse 1/5 demeure malgré tout un ensemble homogène disposant
encore de moyens non négligeables qui font mal à l'ennemi.
Durant toute cette période, nos armuriers ne connaissent pratiquement
aucun répit. Sans leurs mitrailleuses parfaitement tenues en état,
nos pilotes n'auraient pu totaliser tant de victoires. Mais quel labeur
pour remplacer les canons usés, régler les armes et réapprovisionner
les boîtes à cartouches, courant d'un avion à l'autre
les épaules chargées de lourdes bandes ! Il nous arrive
parfois de « faire » de ces bandes qui se consomment si vite
pour donner un coup de main à ces braves garçons encore
plus à la peine que nous.
Le 12 juin, il faut hélas retraiter
plus au sud. Alourdi par son camion SFR de liaisons radio, la voiture
atelier de l'armurerie, les munitions, etc, l'échelon roulant a
toutes les peines du monde à atteindre Saint Parres-lès-Vaudes
où il doit rejoindre les avions partis ce même jour.
Au moment de ce départ se situe un incident qui mérite d'être
rappelé car il confirme l'existence d'une « cinquième
colonne », existence parfois encore contestée de nos jours
: La gravière de Hoericourt ne constituait qu'un abri de camouflage
en bordure de la piste d'un petit aérodrome avec hangar, soutes,
etc. Endommagé en combat, un de nos Curtiss s'y était posé
et nous avions trouvé plus pratique de le remettre en état
dans le hangar voisin. L'avion, réparé en toute hâte,
est à nouveau disponible le 12 juin, à 9 heures du matin.
Notre départ pour Saint Parres-lès-Vaudes
doit avoir lieu vers midi. Quelques minutes plus tôt, deux
de nos mécaniciens, les sergents Prélat et Velcin, s'approchent
de l'avion en courant à travers un champ de blé. Arrivés
à proximité de l'appareil, ils sont mis en joue par un civil
qui jaillit devant eux, un pistolet-mitrailleur au poing. Toute tentative
de négociation est vaine, et sous la menace, il leur faut replonger
en vitesse dans le champ de blé et abandonner l'avion... Ce n'est
que plus tard, quelque part dans la vallée du Rhône, que
nos deux infortunés mécaniciens parviennent à rejoindre
le groupe par auto-stop et nous apprennent dans quelles circonstances,
pour le moins troublantes, un avion de guerre en partait état est
tombé aux mains de l'ennemi.
A l'arrivée à Saint Parres-lès-Vaudes,
nous trouvons le Curtiss n°20 de Penzini et
le n°55 de Rouquette sur le ventre. Un
arbre mal placé a gêné les pilotes lors de la phase
finale de l'atterrissage. Le terrain était aménagé
comme piste de desserrement, avec soutes à essence enterrées
mais... on n'avait sans doute pas trouvé de scie pour couper ce
fameux arbre !
Le 13 juin à 14 heures, il y a moins de 24 heures que nous sommes
à Saint Parres-les-Vaudes, il faut poursuivre le repli cette fois
en direction d'Avallon. L'échelon roulant se fractionne peu à
peu en se frayant un passage à travers des routes encombrées
de réfugiés affamés et hagards dont certains nous
prennent à partie. J'ai la chance d'avoir conservé ma voiture
personnelle mais, malgré cela et même en empruntant des routes
secondaires où la circulation est encore possible, nous arrivons
toujours trop tard au point de ralliement fixé pour nos avions
A Lyon où s'opèrent des destructions afin de tenter de faire
obstacle à la pénétration des blindés allemands,
je prends le temps de rendre une brève visite au capitaine Accart
soignéà l'hôpital Grange Blanche.

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