DEUXIEME GUERRE MONDIALE                

Récits de combat de Marcel Rouquette
Marcel Rouquette
Article de 1970 par le général Marcel Rouquette


Revue Icare, N° 54 Bataille de France Vol : 1 : La Chasse, pages 85 et 88.
Penzini raconté par Rouquette, trente ans après &"La ronde infernale !"

La "drôle de guerre" : le 29 mars 1940 à Suippes.
« Pour Goupy et pour moi, ce sera la 1ère escadrille, celle du capitaine Accart, avec comme second Marin La Meslée. Pour Scotte, la 2e escadrille, celle du capitaine Moingeon, qui sera très bientôt remplacé par Dorance.
Dès que le temps le permet, quelques vols d'entraînement, puis vite les premières missions à deux ou trois,, couverture de secteur... et aussi les conseils écoutés comme à l'église, les mêmes travaux, les longues attentes, l'alerte, l'aube, le retour à la nuit, la chambre très rustique où il n'y a pas de feu, la popote, le train-train, la drôle de guerre...

Et, au milieu de ce temps où rien ne semble se passer, ce 29 mars où, avec Penzini à 7 500 mètres, ce jour où tout est blanc, le sol sous la neige, les cirrus au-dessus de nous, à quelques kilomètres devant nous, plus haut, rentrant chez lui, un Dornier 17. Le premier ennemi que je vois et qui va devenir l'occasion de mon premier combat, car nous le rattrapons, lentement certes, mais nous le rattrapons vers 8 000 mètres. Alors que nous sommes à 400 mètres de lui, il nous voit et grimpe aussitôt vers les cirrus tout proches. Penzini donne l'ordre d'attaque, me fait placer à sa droite, je vire à droite par en dessous, j'aperçois Penzini qui tire, puis amorce une abattée (il a du se faire souffler), vire, virage à gauche et voilà! Trop jeune mon garçon! J'ai, à cette altitude, viré trop sec et j'amorce une vrille. Le temps de l'arrêter, de reprendre un peu de vitesse, de remonter et le Dornier a disparu dans les cirrus, Perdu, perdu à jamais! J'en pleure de rage et de confusion."


... le 12 juin 1940 (repli) à Saint Parres-les-Vaudes
"Et puis, pour moi, le dernier combat de cette campagne. En nous repliant sur Saint-Parres-les-Vaudes, nous rencontrons un Henschel 126, avion de reconnaissance léger, et nous comprenons par sa présence que l'ennemi est sous nous. En tous les cas, il faut l'abattre à la première attaque, sinon cela devient un cirque. Mais il nous a vus et le cirque commence. C'est une extraordinaire démonstration de vol rasant, il colle au sol, s'enroule autour des arbres, à croire même qu'il se cache derrière les haies! C'est un vrai champion et nous l'admirons. A trois, il nous faudra près de dix minutes pour en venir à bout et nous ne l'aurons que par attaques simultanées et convergentes, si bien réglées que l'un d'entre nous touchera l'avion de Penzini, notre chef de patrouille. Le vrai repli a commencé le lendemain, Avallon (il n'y a pas d'essence et nous pouvons enfin dormir), les longues files de réfugiés, les troupes en retraite, certaines en débandade, un convoi qui paraît hors du temps à vouloir remonter à contre-courant ce déferlement de panique. Cette fois-ci, à Avallon, nous sentons, nous voyons la défaite."

 

CE MEME "REPLI" DU GC 1/5 RACONTE PAR HENRI MAZIER

Article de Henri Mazier (mécanicien/chef du GC 1/5),
revue ICARE N° 145 pages 72, 73

Bien que complètement autonome (mis à part le ravitaillement en essence) le groupe de chasse 1/5 demeure malgré tout un ensemble homogène disposant encore de moyens non négligeables qui font mal à l'ennemi. Durant toute cette période, nos armuriers ne connaissent pratiquement aucun répit. Sans leurs mitrailleuses parfaitement tenues en état, nos pilotes n'auraient pu totaliser tant de victoires. Mais quel labeur pour remplacer les canons usés, régler les armes et réapprovisionner les boîtes à cartouches, courant d'un avion à l'autre les épaules chargées de lourdes bandes ! Il nous arrive parfois de « faire » de ces bandes qui se consomment si vite pour donner un coup de main à ces braves garçons encore plus à la peine que nous.
Le 12 juin, il faut hélas retraiter plus au sud. Alourdi par son camion SFR de liaisons radio, la voiture atelier de l'armurerie, les munitions, etc, l'échelon roulant a toutes les peines du monde à atteindre Saint Parres-lès-Vaudes où il doit rejoindre les avions partis ce même jour.
Au moment de ce départ se situe un incident qui mérite d'être rappelé car il confirme l'existence d'une « cinquième colonne », existence parfois encore contestée de nos jours : La gravière de Hoericourt ne constituait qu'un abri de camouflage en bordure de la piste d'un petit aérodrome avec hangar, soutes, etc. Endommagé en combat, un de nos Curtiss s'y était posé et nous avions trouvé plus pratique de le remettre en état dans le hangar voisin. L'avion, réparé en toute hâte, est à nouveau disponible le 12 juin, à 9 heures du matin.
Notre départ pour Saint Parres-lès-Vaudes doit avoir lieu vers midi. Quelques minutes plus tôt, deux de nos mécaniciens, les sergents Prélat et Velcin, s'approchent de l'avion en courant à travers un champ de blé. Arrivés à proximité de l'appareil, ils sont mis en joue par un civil qui jaillit devant eux, un pistolet-mitrailleur au poing. Toute tentative de négociation est vaine, et sous la menace, il leur faut replonger en vitesse dans le champ de blé et abandonner l'avion... Ce n'est que plus tard, quelque part dans la vallée du Rhône, que nos deux infortunés mécaniciens parviennent à rejoindre le groupe par auto-stop et nous apprennent dans quelles circonstances, pour le moins troublantes, un avion de guerre en partait état est tombé aux mains de l'ennemi.
A l'arrivée à Saint Parres-lès-Vaudes, nous trouvons le Curtiss n°20 de Penzini et le n°55 de Rouquette sur le ventre. Un arbre mal placé a gêné les pilotes lors de la phase finale de l'atterrissage. Le terrain était aménagé comme piste de desserrement, avec soutes à essence enterrées mais... on n'avait sans doute pas trouvé de scie pour couper ce fameux arbre !


Le 13 juin à 14 heures, il y a moins de 24 heures que nous sommes à Saint Parres-les-Vaudes, il faut poursuivre le repli cette fois en direction d'Avallon. L'échelon roulant se fractionne peu à peu en se frayant un passage à travers des routes encombrées de réfugiés affamés et hagards dont certains nous prennent à partie. J'ai la chance d'avoir conservé ma voiture personnelle mais, malgré cela et même en empruntant des routes secondaires où la circulation est encore possible, nous arrivons toujours trop tard au point de ralliement fixé pour nos avions
A Lyon où s'opèrent des destructions afin de tenter de faire obstacle à la pénétration des blindés allemands, je prends le temps de rendre une brève visite au capitaine Accart soignéà l'hôpital Grange Blanche.


 

 

Penzini devant son Curtiss tout neuf.

 

 

 

L'avancée allemande en juin 1940